Aline Diépois & Thomas Gizolme

Français, nés en 1973 et en 1967.

S’il n’est pas rare que des photographes collaborent en couple sur des projets ponctuels, il l’est plus qu’ils construisent une œuvre à deux regards. C’est le cas d’Aline Diépois et Thomas Gizolme, qui, depuis plus de dix ans pensent, réalisent, produisent leurs séries ensemble. Pour eux, il ne s’agit pas d’un événement, d’un exercice, d’une prise de risque ou d’un jeu, mais d’une manière d’être au monde et de le regarder. Comme le dit l’expression populaire anglaise, it takes two to tango, et leur partition visuelle et amoureuse est remarquable à plus d’un titre.

Leur photographie et leur couple semble se construire de concert, avec comme premier opus le projet Dust Book, une odyssée amoureuse et américaine, qui raconte en filigranes leur histoire, celle d’un duo amoureux qui taille la route, qui laisse tout derrière lui, pour aller vers le nouveau monde, en Amérique, construire une nouvelle vie, et entamer une œuvre.

Les projets se sont succédés, d’abord avec des livres publiés à compte d’auteur, ils semblent avoir entamé leur histoire photographique et sentimentale avec discrétion.

La parution d’Abstrakt Zermatt l’hiver dernier aux éditions Steidl a mis un terme à la confidence et leur a donné l’élan et l’envie de montrer leurs photographies.

Ils travaillent au polaroid, jouent des chimies altérées ou périmées et des petits défauts de fabrication des chambres photographiques « home made ». Leurs photographies intimistes et sensibles sont consacrées chaque fois à la découverte d’un territoire et ses paysages.

Leurs images, souvent oniriques et vaporeuses, confinent parfois à l’abstraction, avec des entrées de lumières, des accidents de chimies qui disent la fragilité des êtres et du monde, les limites de la perception, l’intensité de l’émotion devant un paysage sublime.

Ils n’ont de cesse d’explorer la question de la disparition, comme avec leurs deux derniers projets Abstrakt Zermatt et White Isles of the South Sea.

Abstrakt Zermatt est une traversée visuelle de la région du Zermatt en Suisse (dont Aline Diépois est originaire), composée des petits tirages polaroids uniques et de tirages de grand format. L’altération des films, l’effet du froid et de l’altitude sur la chimie, avec ça et là, parfois, la trace d’un flocon tombé sur la gélatine, font de leurs images un au-delà de la photographie de paysage, et les inscrivent dans une démarche picturale, imprimant des souvenirs, des traces, des sensations.

White Isles of the South Sea relate la disparition des îles Kiribati, petit archipel perdu du Pacifique Sud et condamné par le réchauffement climatique. Les tirages montrent les nuances tendres ou éclatantes de la mer aux différentes heures du jour, les polaroids délicats et troubles disent avec douceur un paradis qui s’éteint et se noie inexorablement. Aline Diépois et Thomas Gizolme accompagnent cette série de prises de sons (vent, sable, vagues qui s’échouent) et d’un film sans paroles. La disparition est tacite mais pourtant présente dans chaque image et les deux artistes viennent avec bienveillance garder quelques traces d’un monde paradisiaque et condamné.

Aline Diépois et Thomas Gizolme poursuivent leur liaison photographique et complice, avec un projet consacré à la disparition d’un homme et aux vestiges de sa vie. Devant leur œuvre, rare aussi bien par la symbiose de leurs regards que par la délicatesse de leur écriture et de leur propos, on ne peut qu’attendre avec impatience de savoir où les mènera cette valse amoureuse et artistique, leur amour à l’œuvre, en quelque sorte.