L’œuvre de Pablo Guidali figure une traversée fulgurante du monde et des choses. Qu’importent le temps et le lieu. Ce qu’il convoque est au-delà.
Ses images sont constamment habitées par une forme de pulsion organique, d’appétit insatiable, non seulement du visible ou de l’acte de voir, mais de vie. Souvent tremblées et vacillantes, elles saisissent des silhouettes furtives, qui tracent des sillages sans destination, comme de fragiles apparitions dont on pourrait douter un instant qu’elles aient bien existé tant elles paraissent déjà s’évader dans le hors champ (là une mariée, ici un chien sombre comme un mauvais augure, un enfant pressé qui s’enfuit…). Il démultiplie les étreintes qui semblent inlassables, pas de danse, corps emmêlés, gestes, regards, sourires et baisers esquissés. Chaque image porte en elle une forte charge d’évocation, où le regard autant que l’imagination déambulent et se perdent.
Pourtant, parfois, les photographies sont éclatantes, comme quelques évidences qui viendraient se nicher dans ces entrelacs de corps et de mouvements. Un homme et ses roses fermement décidé, une femme offre son cou d’une pureté lactescente…
Parmi ces images, une fillette, pieds fermement plantés au sol, bouche grande ouverte dans un cri silencieux. Devant elle on pourrait penser à cette phrase de Novencento pianiste d’Alessandro Baricco, prononcée par un homme qui voit l’océan pour la première fois : « C’est comme un hurlement géant mais qui ne s’arrêterait jamais de crier, et ce qu’il crie c’est : «bande de cocus, la vie c’est quelque chose d’immense, vous allez comprendre ça oui ou non ? Immense ! »
Et c’est à cette immensité du monde renouvelé que Pablo Guidali nous confronte vertigineusement.